De nouvelles entrées pour des mots et expressions utilisées par les jeunes de l’Essonne, Apprends les bails ! Un lexique piloté par le linguiste Julien Barret, avec les enseignantes Suzanne Bah et Sandrine Berruelle, et les élèves du lycée Pierre Mendès-France.
Démarche de documentation
Sur l’invitation des enseignantes, Julien Barret est allé à la rencontre des élèves et a mené l’enquête avec eux, plongeant autour de l’iceberg de la lexicographie. Outre les mots et leurs sens, ils se sont intéressés à la sphère d’usage, tant dans la dimension géographique qu’historique. Ils ont ainsi considéré que le mot « bails », figurant dans le titre de la collecte, est déjà généralisé et n’est plus seulement un mot des jeunes.
Les mots utilisés par la cour du lycée et dans le quartier n’étant pas ceux de l’école, ils ont plutôt exploré dans le vocabulaire du rap et dans les influences d’autres langues également parlées autour d’eux, et d’usages familiers venus d’ailleurs, notamment du nouchi parlé en Côte d’Ivoire.
Informations recueillies
Que trouve-t-on dans ce dictionnaire ? Une centaine de mots et expressions sont décrits, avec leurs définitions et des exemples sous la forme de phrases construites. Des indications sur l’origine des termes sont présentées pour chaque entrée, ainsi que des liens vers des mots synonymes ou apparentés. L’aire d’usage est indiquée avec une ville, un département, une région ou le pays entier.
Le parler des jeunes
Les mots d’Apprends les bails ! sont ceux des jeunes de l’Essonne, entre 2020 et 2022. La situation évolue rapidement, et différemment selon les régions. Il n’existe pas de « parler des jeunes » mais différents usages novateurs qui circulent et fluctuent, apparaissent et disparaissent, se transmettent au sein des familles ou par les arts. Ces mots, sons et expressions deviennent des marqueurs identitaires, qui ne sont utilisés que par une tranche d’âge ou que durant une période de la vie.
Au sein du cadre scolaire, des projets pédagogiques sur les usages des élèves sont régulièrement menés, mais ils sont rarement accompagnés par un professionnel et ne donnent pas lieu à une publication hors de l’établissement scolaire. Un cas d’école est celui du Dico des ados, un travail débuté en classe et devenu une sorte de Wiktionnaire rédigé par et pour les jeunes, en ligne et ouvert au grand public. Il ne s’intéresse cependant pas en premier lieu aux termes spécifiques des usages des jeunes, mais surtout à leur compréhension de la langue, grâce à des définitions plus adaptées. Un autre outil numérique visant cet usage, mais pour l’anglais, est l’Urban Dictionary. Il couvre cependant tous les usages familiers, sans se préoccuper de la réalité de l’usage, et l’humour y est omniprésent.
Mise en perspective
Julien Barret s’inscrit dans une tradition qui s’intéresse aux nouveaux mots utilisés par les jeunes. Une rétrospective historique fournie a été détaillée sur le site languefrancaise.net. Voici quelques travaux sur ce sujet, proposés du plus accessible au plus érudit :
- Aurore Vincenti avec l’ouvrage Les mots du bitume pour la France (2017)
- Jean Pruvost & Yasmina Benbekaï avec l’émission de radio Doc Dico diffusée sur Mouv’ jusqu’en 2018
- Jérôme 50 avec la série audio Ainsi soit chill sur les usages des jeunes québécois (2023)
- L’ouvrage universitaire collectif Langues romanes non standard (2021)
- Anne-Caroline Fiévet et Alena Podhorná-Polická avec l’article universitaire « Quand un nouveau mot devient identitaire pour les jeunes : le cas de « bolos » », dans Adolescence (2009)