Une nouvelle ressource lexicale rejoint le Dictionnaire des francophones, l’ABC du Vin est dédié au vocabulaire du vin et de la tonnellerie !
Intégrer de nouvelles ressources
Outre le développement de nouvelles fonctionnalités, le Dictionnaire des francophones croît grâce aux apports du grand public directement sur le site, et avec l’intégration de travaux de description de la langue pré-existants. Pour rejoindre le Dictionnaire des francophones, il est cependant nécessaire que les documents soient de qualité et publiés sous licence libre, ce qui est parfois le cas dès l’origine, comme pour le Wiktionnaire. Lorsque ce n’est pas le cas, il faut que l’auteur ou son/ses ayants-droit le réédite sous licence libre, comme c’est le cas pour l’ABC du Vin, et comme ce fut le cas pour l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire et pour le Dictionnaire du parler de la Drôme. Certaines informations sont mises à disposition sous des licences restrictives, permettant l’affichage mais pas le réusage, notamment la Base de données lexicographiques panfrancophone et le Grand dictionnaire terminologique.
De nouvelles ressources sont proposées et obtenues par le Conseil scientifique du Dictionnaire des francophones, présidé par Bernard Cerquiglini. Les démarches sont cependant longues et délicates, et l’équipe-projet explore de son côté de nombreuses pistes pour intégrer de nouvelles publications, allant des travaux scientifiques aux travaux d’amateurs éclairés. Cette fois-ci, nous sortons du cadre académique, pour aller au milieu des vignes !
Usages régionaux et langue de spécialité
Les travaux de description de la langue se concentrent souvent sur un sous-ensemble qui est lié à une aire d’usage, à un métier ou à un groupe social (tel le parler des jeunes, nous en reparlerons bientôt !). Le Dictionnaire des francophones collecte en premier lieu les termes dont la description précise une aire d’usage, mais toute la diversité de la langue l’intéresse. Intégrer les termes techniques, comme ceux de l’œnologie, présente de très nombreux avantages qui ont été présentés dans un précédent article sur les glossaires spécialisés.
Un argument supplémentaire pour un vocabulaire tel que celui du vin, c’est qu’il présente également une grande variété régionale. Sur l’ensemble des entrées de l’ABC du Vin, environ 15 % présentent des indications d’une aire d’usage spécifique. Ce pourcentage est similaire à celui de l’ensemble des entrées du Dictionnaire des francophones.
L’ABC du Vin
Le site internet https://www.abcduvin.com est en ligne depuis 2004 et propose plusieurs lexiques liés au monde du vin : mots de la dégustation, de la tonnellerie, du vin et de la viticulture. Suite à une découverte fortuite par Nadia Sefiane, ses collègues Sébastien Gathier et Noé Gasparini ont pris le temps d’analyser la qualité du contenu, puis ce dernier a contacté Sylvain Torchet, auteur du site internet. Passionné par ces sujets depuis des années, Sylvain a présenté sa méthodologie de compilation, qu’il a développé sans connaissances préalables en lexicographie. Il a procédé à un relevé méthodique des termes qu’il rencontrait lors de ses lectures de nombreux ouvrages liés au vin (dont il recense la plupart sur son site), fouillant dans des travaux régionaux et anciens, ainsi que dans d’autres langues voisines. Lorsqu’au moins deux définitions similaires se présentaient pour un même terme, il considérait qu’il pouvait apparaître dans le dictionnaire. Il rédigeait alors une nouvelle définition originale et ajoutait des informations complémentaires, légales ou en lien avec les autres entrées.
De ses travaux de passionné, il n‘a retiré aucun bénéfice financier, et son métier n’a même aucun rapport avec le sujet. Il a développé une expertise par la pratique et sa volonté de transmettre les connaissances au plus grand nombre. Il a en outre publié en 2016 un livre de nouvelles autour du vin avec Jacques Rouvière, Tchin Tchin, petites histoires et grands plaisirs. Plus récemment, il a a créé le site internet www.101pairing.com qui présente des accords mets et vins.
Lors de nos échanges début 2023, il indiqua que son site internet devenait difficile à maintenir en ligne. L’architecture technique commence à présenter des signes d’obsolescence, et la personne qui avait aidé à la mise en ligne est moins disponible pour en développer une nouvelle version. Sylvain préfère le laisser disponible au grand public gratuitement. Il a ainsi accepté avec enthousiasme et volontarisme de transmettre le vocabulaire technique du vin et celui de la tonnellerie. D’autant plus que ces lexiques seront améliorés durant le processus de réédition, avec des informations qui pourront être réintégrées dans le site original !
L’intégration
Le chantier aura occupé Sébastien Gathier pendant plus d’une saison ! L’espace de travail a été un tableau de plus de 8 000 lignes, avec 25 colonnes, dont plusieurs à remplir pour permettre l’intégration dans le Dictionnaire des francophones.
La première étape a été d’ajouter des informations grammaticales sur toutes les entrées, avec la classe de mot (nom, adjectif, verbe, locution verbale, etc.) et le genre des noms (masculin, féminin ou épicène). S’il est plutôt facile d’identifier un verbe sur la base de la forme du mot et de sa définition, il est plus difficile de déterminer son genre et des recherches approfondies ont dû être menées dans de nombreux cas. Cette étape a pris plusieurs semaines.
Certaines définitions ont ensuite été modifiées, pour séparer en plusieurs entrées lorsque plusieurs définitions différentes étaient données, pour séparer les indications étymologiques et pour supprimer certains développements encyclopédiques qui dépassaient du cadre du dictionnaire. Les mots associés aux entrées dans la colonne « voir aussi » ont également été associés aux bonnes relations selon les cas : synonyme, apparenté étymologique, variante graphique, vocabulaire associé par le sens. Pour finir cette étape, Sébastien a procédé à une correction typographique et occasionnellement orthographique, pour que les définitions soient ciselées et idéalement présentées.
Un ajout supplémentaire majeur a été l’indication de la prononciation en alphabet phonétique international. Cette information n’est pas encore affichée dans l’interface de consultation du Dictionnaire des francophones, mais elle est présente dans les données lorsque les ressources intégrées la contiennent. Pour ajouter cette information à toutes les entrées, l’équipe-projet a contacté Xavier Marjou, chercheur ayant développé un outil de suggestion de transcription phonétique. Il a accepté d’aider gracieusement. Après le passage de son outil, il a procédé à une première relecture minutieuse et indiqué les notations douteuses. La relecture suivante par l’équipe-projet a permis de transmettre un nombre réduit de question à Sylvain Torchet, qui a pu confirmer la pertinence des informations ajoutées.
Simultanément à la phase d’enrichissement, de nombreuses entrées ont été supprimées. Certaines entrées n’étaient que des renvois vers d’autres entrées, sans relation claire, car il s’agissait de parties de locution (par exemple « formation », qui renvoie simplement à « taille de formation ») ou car les informations étaient uniquement légales et non des définitions du sens du mot. Plusieurs entrées étaient des mots d’autres langues, notamment espagnol, anglais, italien, allemand. Certains de ces mots ont été conservés lorsque des usages avérés apparaissaient durant des recherches d’usage spécifiques. De très nombreux noms scientifiques sont décrits dans l’ABC du Vin, mais le Dictionnaire des francophones a une préférence pour les noms usuels en français. Les épithètes spécifiques ont également été supprimés, par exemple « euvitis », qui renvoie simplement à « Vitis euvitis ». Au total, ce sont plus de 2 000 entrées qui ont été supprimées du document de travail.
Résultat
Dans le Dictionnaire des francophones, ce sont 6 581 nouvelles entrées provenant de l’ABC du Vin. Elles décrivent aussi bien des méthodes de culture de la vigne, des aménagements et outils, des maladies et traitements. Un sixième des entrées ont une indication de région d’usage. Environ deux cents entrées ont une marque d’usage (désuet, archaïque, familier). Quatre-vingts présentent une note étymologique.
Prochaines étapes ? Ajouter des attestations d’usage écrites pour faciliter la compréhension du sens, et parfois proposer d’autres définitions plus accessibles au grand public, en complément des définitions techniques. Dans le même temps, favoriser la découverte de ces nouvelles entrées par les francophones, grâce à la mise en avant de quelques mots sur les réseaux sociaux numériques.
À l’avenir, d’autres ressources portant sur des vocabulaires de spécialités pourraient être intégrées dans le Dictionnaire des francophones. Si vous avez produit une telle publication et souhaitez lui offrir une seconde édition en ligne, au sein d’une grande base de connaissances libres, n’hésitez pas à contacter l’équipe du Dictionnaire des francophones !
Illustrations mises à disposition par Mariia Images sous licence One Design Use License, sélectionnées et colorées par Hugo Casamian.